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Gestion et Organisations
18 décembre 2013

Actualité en droit de la concurrence avec le concours de Carole TISSANDIER, Juriste international

SOMMAIRE
I Les ententes anticoncurrentielles : définition et actualités
II Des enquêtes de concurrence françaises et européennes encadrées : les OVS
III Les nouvelles lignes directrices de l’Autorité de la concurrence en matière de
Méthode de fixation des sanctions
IV Les moyens d’atténuer les sanctions : clémence, non-contestation des griefs et programme de conformité

I Les ententes anticoncurrentielles : définition et actualités
Tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu’il entend suivre et les conditions qu’il entend réserver à sa clientèle
(Arrêt CJCE -C-7/95 P, John Deere).
La lutte contre les cartels constitue une des priorités de l'Autorité de la concurrence et de la Commission européenne. Ces ententes visent en général à générer :
 une hausse de prix
 à se répartir des marchés ou des clients, à maintenir les parts de marché des participants à un certain niveau
 des barrières à l’entrée
Une entente peut prendre plusieurs formes :

Une entente peut prendre plusieurs formes :
 un accord,
 une décision d’association d’ entreprises,
 une pratique concertée,
dès lors qu’ils ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence.
Il existe deux types d’ententes :
 ententes horizontales : accords conclus entre concurrents
 ententes verticales : accords conclus entre deux entreprises ou plus qui interviennent à un stade économique différent (relation fournisseur-distributeur).
A) Les ententes horizontales entre concurrents

Les pratiques concertées
Les pratiques concertées sont un type d’entente entre concurrents dont l’existence est plus difficile à démontrer.
L’Autorité de la concurrence (ADLC) se fonde sur un faisceau d’indices graves, précis et concordants pour les démontrer.
Le parallélisme de comportement à lui seul ne suffit pas car il peut s’expliquer par d’autres raisons que l’existence d’une entente, tel que par exemple des conditions de marché entraînant un alignement des comportements non concertés.
Les échanges d’informations
Les entreprises ignorent souvent si leurs échanges faussent le jeu de la concurrence.
Les autorités de concurrence ont récemment publié des grilles d’analyse à destination des entreprises et de leurs conseils afin d’évaluer la conformité au droit de la concurrence de leurs échanges d’informations avec des concurrents :
 lignes directrices de la Commission sur les accords de coopération horizontale du 14 décembre 2010
 étude thématique de l’ADLC sur les échanges d’informations (rapport annuel de 2009).

Les échanges d’informations ne sont pas illicites per se mais peuvent produire des effets anticoncurrentiels. Tout dépend de la nature de l’échange ou du contexte du marché où opèrent les entreprises en cause.
Les échanges d’informations sont anticoncurrentiels par objet s’ils :
 permettent aux entreprises de connaitre leurs stratégies commerciales respectives ;
 concernent des données sensibles portant sur leurs stratégies futures ;
 permettent un contrôle mutuel des comportements de chacun.
Les échanges d’informations peuvent avoir un effet anticoncurrentiel au regard d’un certain nombre de critères liés notamment à la nature de l’information échangée et aux caractéristiques du marché en cause.
Par exemple, peuvent porter atteinte à la concurrence l’échange de données passées ou futures concernant les prix, les capacités, les coûts mais également d’autres informations moins sensibles.

Les ententes verticales
Ces ententes résultent d’accords conclus entre des opérateurs situés à différents stades du processus économique. Les restrictions les plus courantes sont : la distribution exclusive ; l’exclusivité de clientèle ; la distribution sélective ; la franchise.
Les ententes sont interdites per se, par exemple, en cas de : fixation - par le fournisseur - des prix de revente des distributeurs ; traitement discriminatoire ; interdiction des importations parallèles.
Le règlement européen 330/2010 prévoit que pour que l’exemption par catégorie s’applique, les parts du marché du fournisseur et de l’acheteur doivent être chacune inférieures ou égales à 30%.

Cas particulier : les relations intra groupe
En principe le droit de la concurrence ne s’applique pas aux relations intragroupes.
Cependant, ce principe de non application du droit de la concurrence ne s’applique pas si les filiales sont autonomes c’est-à-dire si elles peuvent :
 définir leur propre stratégie commerciale, financière et technique ;
 s’affranchir du contrôle hiérarchique du siège de la société dont elles dépendent.
La responsabilité de la société mère peut être engagée du fait d’une pratique anticoncurrentielle de sa filiale :
 si la filiale est détenue à 100% : il existe une présomption simple selon laquelle la société mère exerce effectivement une influence déterminante sur le comportement d’une filiale détenue à 100%.
 si la filiale n’est pas détenue à 100% : absence de cette présomption simple.

 

 

II Des enquêtes de concurrence françaises et européennes encadrées : les opérations de visites et saisies (OVS)
Les perquisitions et saisies de documents ne peuvent être effectuées que dans le cadre d’enquêtes sous contrôle judiciaire réglementées par l’art. L.450-4 du Code de commerce.
 Il faut une autorisation judiciaire : ordonnance qui doit préciser le champ d’application de l’OVS.
 Un recours contre l’ordonnance est possible.
 Déroulement de la visite.
L’opposition à l’action d’un agent est « punie d’une amende de 7. 500 euros et d’un emprisonnement de 6 mois » (article L.450-8 du Code de commerce).
Les OVS sont la source d’un contentieux important dans la mesure où les entreprises qui font l’objet de ces investigations peuvent contester, d’une part l’ordonnance du juge des libertés et de la détention qui a autorisé la visite et d’autre part, les conditions de déroulement de celle-ci.

 

III Les nouvelles lignes directrices de l’Autorité de la concurrence (ADLC) en matière de méthode de fixation des sanctions
A) Sanctions : communiqué sur les sanctions
Le communiqué sur les sanctions adopté le 16 mai 2011 par l’ADLC améliore le principe du contradictoire et garantie une plus grande transparence en s’inspirant des lignes directrices européennes. Il est opposable à l’Autorité même.
Sur le montant des sanctions :
 Au niveau européen, le TUE ou la Cour ont, à plusieurs reprises, modifié les amendes infligées par la Commission, mais très rarement à la baisse.
 Au niveau français, la Cour d’appel a plusieurs fois reformé le montant des sanctions à la baisse.

Ce qui dénote un problème de cohérence entre les institutions française et européenne.
La méthode de calcul appliqué par l’ADCL comporte quatre étapes :
1. Montant de base (proportion de la valeur des ventes de produits ou services, en relation avec l’infraction réalisées par chaque entreprise en cause, en France, durant la dernière année complète de participation à l’infraction).
2. Individualisation de la sanction (gravité des faits, présence de situation atténuante ou aggravante).
3. Réitération.
4. Ajustements finaux.

Sanctions : la théorie
Les sanctions peuvent être :
- administratives : maximum de 10% du chiffre d’affaire mondial hors taxes. Ce sont les sanctions les plus utilisées. L’ADLC est de plus en plus sévère (en 2010 les sanctions sont montées à un montant total de 442 millions d’euros).
- pénales : en France la participation « personnelle et déterminante » à une entente ou à un abus de position dominante est réprimée d’un maximum de quatre ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende (art. 420-6 du Code de commerce).
Sanctions : la pratique
L’ADLC est de plus en plus sévère.
En 2000, les sanctions ne dépassaient pas 50 à 80 millions d’euros par an.
En 2010, elles sont montées à un montant total de 442 millions d’euros.

IV Les moyens pour atténuer les sanctions (clémence, non contestation des griefs et conformité)
La clémence
La clémence concerne uniquement les cartels c’est-à-dire les ententes horizontales.
Procédure de clémence : théorie
Le but est de détecter les cartels, une tache en général difficile, et donc de récompenser les entreprises qui dénoncent des ententes.
Sont exclues de la procédure les entreprises qui auraient pris des mesures pour contraindre une autre entreprise à participer à un cartel. Par contre, les entités ayant fait partie du cartel peuvent le dénoncer.
Textes au niveau :

français : articles L. 464-2 et 464-5 du Code de commerce ; communiqué de procédure relatif au programme de clémence français du 2 mars 2009.
européen : communication de 2006 de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes.
Procédure de clémence : conditions d’éligibilité
Exonération totale de sanctions pécuniaires (type 1) :
 l’ADLC n’avait aucune information (type 1A)si l’entreprise est la première à apporter des informations à l’ADLC ;
 l’ADLC ne disposait pas de ces informations ;
 les éléments apportés sont jugés suffisants pour lui permettre de procéder à des mesures d’investigation ciblées.

 l’ADLC avait déjà certaines informations (type 1B)l’entreprise est la première à fournir des éléments de preuves ;
 l’ADLC ne disposait pas d’éléments suffisants pour lui permettre d’établir l’existence de l’infraction ;
 aucune autre entreprise n’a obtenu d’avis d’exonération de type 1A.
Exonération partielle de sanctions pécuniaires (type 2) :
 L’entreprise doit fournir à l’ADLC des éléments de preuve apportant une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve dont celle-ci dispose déjà.
 Pour déterminer le niveau d’exonération des sanctions, l’ADLC prendra en compte le rang de la demande, le moment où elle a été présentée et le degré de valeur ajoutée significative que les éléments de preuve fournis par cette entreprise ont apporté.
 L’exonération partielle ne pourra excéder 50% du montant de la sanction.

Procédure de clémence : conditions de fond
L’entreprise doit mettre fin à sa participation à l’entente présumée sans délai ; par ailleurs, elle ne doit pas révéler à ses concurrents qu’elle a fait une demande de clémence, la conséquence, le cas échéant, étant la perte des bénéfices de la procédure.
 L’entreprise doit apporter à l’Autorité une coopération véritable, totale, permanente et rapide dès le dépôt de sa demande et tout au long de la procédure d’enquête et d’instruction :
 fournir tous les éléments de preuve en sa possession ;
 se tenir à disposition pour répondre à toute demande de l’Autorité ;
 mettre à disposition les représentants légaux pour qu’ils puissent être interrogés ; ne pas détruire les éléments de preuve
La clémence est une récompense. L’immunité ou la réduction d’amende octroyée dans le cadre de la procédure n’est pas absolue et peut être retirée tant que la décision finale n’est pas adoptée.
La procédure de clémence, au niveau européen, est fréquemment appliquée par la Commission européenne et est à l’origine des plus importantes amendes prononcées par la Commission.

B) La non-contestations des griefs
En France
Le cadre juridique se compose de l’art. L. 462-2 III du Code de commerce et d’un projet de communiqué de procédure.
La procédure a pour but d’accélérer le traitement de certaines affaires et intervient après la notification des griefs.
La procédure prend la forme d’une renonciation à contester les griefs. Une telle renonciation peut être conjuguée avec des engagements. Elle peut permettre de simplifier et accélérer la procédure d’instruction contradictoire.

Les conditions:
L’entreprise ne doit ni contester la régularité de la procédure, ni la réalité des pratiques en cause, ni la qualification juridique qu’en donnent les services d’instructions, ni leur imputabilité.
 L’entreprise peut uniquement présenter des observations sur les éléments susceptibles d’être pris en considération dans l’évaluation des sanctions.
Le déroulement de la procédure :
 L’entreprise destinataire de la notification de griefs doit solliciter la mise en oeuvre de la procédure auprès du Rapporteur général ;
 La procédure doit être demandée dans les deux mois à compter de la réception de la notification de griefs ;
 Le rapporteur n’est pas tenu de donner une suite favorable à cette demande ;
 Discussions préparatoires ;
 Signature du procès verbal ;
 Contrôle par le Collège ;
 Constat de l’infraction ;
 Détermination de la sanction.

En U.E.
La Commission européenne a adopté le 30 juin 2008 un règlement introduisant la procédure de transaction (reg. 622/2008).
Le 19 mai 2010 la Commission a adopté sa première décision de transaction dans une affaire d’entente impliquant dix producteurs de puces à mémoire ou DRAM utilisées dans les ordinateurs et les serveurs.
Le système européen, contrairement au droit français, ne concerne que les ententes, pas les abus de position dominante.
Le règlement européen accorde à la Commission un large pouvoir d’appréciation pour choisir les affaires susceptibles de bénéficier de la transaction.


Cumul de clémence et non contestation des griefs ?

Les procédures de clémence et de non contestation des griefs, en droit français, n’ont pas la même finalité.
Contrairement au droit européen, le projet de communiqué de procédure sur la non-contestation des griefs refuse le cumul des deux procédures.
Attention : la décision 11-D-17 de l’Autorité de la concurrence du 8 décembre 2011 affirme le contraire :
 uniquement pour un demandeur de clémence de deuxième rang,
 lorsque le périmètre des griefs notifiés correspond au contenu de l’entente : pas de cumul possible.
 lorsque le champ des griefs notifiés diffère sur un ou plusieurs points importants de l’entente, telle que décrite par le demandeur de clémence : cumul possible.

Le programme de conformité
Les programmes de conformité sont des outils de prévention et de gestion des risques encourus par les entreprises en cas d’infraction.
En France
L’ADLC encourage fortement les entreprises à se doter de tels programmes que ce soit à titre préventif ou en cas d’infraction déjà avérée.
En U.E.
Le 23 novembre 2011, la Commission européenne a publié sur son site internet une brochure soulignant l’importance de mettre en oeuvre une procédure de conformité.

Les conditions à respecter pour que le programme soit efficace :
 Il faut un engagement ferme, clair et public de l’ensemble des dirigeants à respecter les règles de la concurrence ;
 La désignation de personnes, au sein de l’entreprise, responsables de la mise en oeuvre du programme ;
 La mise en place de mesures d’information, de formation et de sensibilisation assurant le développement d’une culture de la concurrence chez l’ensemble des dirigeants et des autres employés de l’entreprise ;
 La mise en oeuvre de mécanismes effectifs de contrôle, audit et alerte ;
 La mise en oeuvre de sanctions en cas de détection de violations des règles de concurrence ou de non-respect du programme de conformité de l’entreprise.

Les conséquences de la mise en place du programme de conformité :
 Elle permet de prévenir la commission d’infraction.
 En principe, il n’est pas pris en compte par l’ADLC dans le montant de la sanction en cas d’infraction, sauf en cas d’engagement ou de non-contestation des griefs.

 

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